La barre des 30 %, un 2ème plafond de verre ?

Fin d’année, début d’année, temps des bilans, rétrospectives et…souhaits pour l’avenir. 

En ce qui concerne la mixité dans les comités de direction des entreprises en France, la stagnation persiste : le seuil des 30% semble difficile à dépasser, formant une nouvelle forme de plafond de verre.

Le nombre d’entreprises sans aucune femme est faible mais n’a pas disparu.

Le nombre d’entreprises avec 50% ou plus de femmes évolue peu.

Les fonctions exercées par les femmes évoluent lentement : au trio Ressources Humaines, Communication et Marketing se sont ajoutées d’autres fonctions dites « Support » comme Juridique, Finances, Achats, Qualité, RSE…. La direction de divisions opérationnelles est pourtant le tremplin fréquent vers les fonctions de Direction Générale.

Et pour atteindre les 30% de femmes, les comités de direction se sont agrandis, comprenant en moyenne 9 personnes.

AnnéeNbre entreprisesNbre managersdont nbre femmes% femmessans aucune femmeavec 50% ou plus de femmesNbre moyen de managersNbre moyen de femmes
2020353169429,7149,032,69
20214438912532,13358,842,84
20223431510433459,263,06

Source des données : rubrique Etat-Major du magazine le Point collectée depuis 2005

Pourquoi les femmes ne peuvent-elles toujours pas « tout » avoir ?

« Unfinished Business » : un livre qu’Anne-Marie Slaughter a publié en 2015 sur le travail, la famille, les femmes, les hommes, faisant suite aux très nombreuses réactions suscitées par un article qu’elle avait écrit en 2012 dans The Atlantic et intitulé « Why Women Still Can’t Have It All ».

Anne-Marie Slaughter n’est pas très connue en France. Elle dirige actuellement une Fondation appelée « New America » après avoir été professeur à Princeton, Chicago et Harvard. Sa spécialité est le droit international. L’idée de l’article puis du livre lui est venue d’après son expérience : après 2 ans dans un poste auprès du Secrétariat d’Etat tenu par Hillary Clinton en 2009, elle a quitté  Washington à cause de ses enfants, restés à Princeton avec son mari.

Dans une 1ère partie, elle développe 3 « demi-vérités » concernant les femmes :

  1. Vous pouvez tout avoir si vous êtes suffisamment engagée professionnellement
  2. Vous pouvez tout avoir si vous choisissez le bon compagnon
  3. Vous pouvez tout avoir si vous planifiez les choses dans le bon ordre

Pour finir par transformer la phrase en « vous pouvez tout avoir… mais pas au même moment »

Puis 3 autres concernant les hommes :

  1. Les hommes non plus ne peuvent pas tout avoir
  2. Les enfants ont besoin de leur mère (sous-entendu « encore plus » besoin) – la fameuse « caregiver »
  3. Le rôle de l’homme est de pourvoir aux besoins (de sa famille) – le fameux « breadwinner »

Dans une 2ème partie, elle compare le monde des affaires et le domaine de la famille : « competition » versus « care » avec des questions comme « gérer et produire de l’argent est-il réellement plus compliqué que d’élever des enfants ? ». Et le cercle vicieux des professions du « care » : sous-valorisées parce qu’exercées par des femmes ou exercées par des femmes car sous-valorisées ?

Elle prend en compte également l’hétérogénéité – soulevée aussi dans nos débats français – de la situation des femmes : entre les plus diplômées qui luttent contre le plafond de verre et tentent de concilier carrière et vie familiale d’une part ; et les peu qualifiées, parfois seules à élever leurs enfants, qui se débattent dans une précarité tout autre, et dont les emplois demandent souvent une autre forme de flexibilité contrainte (horaires décalés, temps partiel subi).

Dans un prochain article, les pistes de réflexion et de solution qu’elle suggère.

Anne-Marie Slaughter Unfinished Business

Unfinished Business par Anne-Marie Slaughter – Random House Editions – New York – 2015

Après le plafond de verre, les parois ?

Moins d’entreprises sans aucune femme, une proportion de femmes plus importante, deux progrès notables en 2015 dans la composition des Comités de Direction.

 Les entreprises sans aucune femme au CODIR :

  • 2015 : 15%
  • Période 2011-2015 : 32%
  • Période 2005-2010 : 46%

 Le pourcentage de femmes dans les CODIR :

  • 2015 : 23%
  • Période 2011-2015 : 18%
  • Période 2005-2010 : 13%

Pour aller plus loin, nous avons analysé la répartition entre fonctions dites « Support » et fonctions dites « Opérationnelles ». Sans surprise, les femmes sont plus nombreuses en Support qu’en Opération : en moyenne 60% pour les 303 femmes des 148 entreprises de l’échantillon sur la période 2011-2015.

Le tiercé gagnant des fonctions occupées par les femmes reste les RH, le Marketing et la Communication, parfois associés, mais suivi par les Directrices Générales, avec une montée en puissance des DAF (directrices Administration et Finances) et des acheteuses.

 Etant donné la grande variété des secteurs représentés, l’attribution d’une fonction en Support ou Opérations reste délicate. De nombreuses fonctions n’existent pas dans toutes les entreprises : Innovation, Développement Durable, Sécurité, Stratégie, Organisation, Qualité, Secrétariat-Général et leur importance dans l’organigramme varie.  

Nous avons systématiquement classé en Opérationnel les Directrices Commerciales, de Division, de « Business Unit » ou vocable équivalent, ainsi que les Associées (cas du Conseil ou du Droit). 

plafond de verre

Grâce à la rubrique Etat-major du Point www.lepoint.fr Isotélie suit depuis 2005 l’évolution de la composition des Comités de Direction.