Changer de méthode pour lutter contre les discriminations au travail ?

Tristesse de constater qu’on en est encore à des rapports et des demandes de mesures de la discrimination avec cette nouvelle note du Conseil d’Analyse Economique parue en juin dernier et commentée dans la presse (par exemple la Croix et les Echos du 1er juillet).

http://www.cae-eco.fr/Lutter-contre-les-discriminations-sur-le-marche-du-travail-513

N’a-t-on pas fait du chemin depuis (et sans remonter au siècle dernier)

  • La loi Génisson de 2001 sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes
  • La loi de 2001 sur les discriminations et la création de la Halde, devenue Défenseur Des Droits dont la nouvelle titulaire est Claire Hédon (https://www.defenseurdesdroits.fr/ )
  • Le rapport Bébéar des entreprises aux couleurs de la France en 2004 puis la création de la charte de la diversité (4 000 organisations signataires à ce jour https://www.charte-diversite.com/)
  • La loi sur le handicap de 2005
  • Les plans seniors de 2008
  • etc… vous pouvez compléter…

Quand j’ai fermé le cabinet Isotélie début 2019, plus d’une centaine de structures de conseil s’étaient créées sur cette thématique, l’AFMD (https://www.afmd.fr/ ) avait pris son envol – 133 organisations adhérentes aujourd’hui.

A noter que les fonctions publiques ne sont pas non plus exemplaires, s’étant longtemps cru à l’abri de la discrimination grâce aux concours et au statut.

Peut-être faudrait-il changer de méthode et dire tout ce qui va bien ou ce qui va mieux ?

D’autres idées ?

 

 

 

Génération Y, l’altruisme féminin versus l’hédonisme masculin ?

L’égalité entre les femmes et les hommes peut aussi progresser dans la génération Y

Selon une enquête internationale de Manpower,

  • Les femmes sont prêtes à s’arrêter de travailler pour s’occuper des autres : enfants, parents, bénévolat
  • Les hommes pour s’occuper d’eux-mêmes : voyager ou réaliser leurs rêves.
  • Ils se retrouvent à égalité pour la lune de miel, ouf, ils pourront la passer ensemble ! 🙂

Source : enquête Manpower vision 2020 – 25 pays – 19 000 jeunes – publiée le 30 mai 2016

http://www.manpowergroup.fr/generation-y-vision-2020/

Réconcilier égalité et diversité…

…et reconnaître que l’identité de chacun est plus complexe qu’une segmentation en critères.

Depuis les 3 articles publiés ici en octobre 2013 est parue une étude de la DARES sur 80 accords Diversité dont je me permets de citer un large extrait de la conclusion, tant ce texte d’Hélène Garner et Magali Recoules me semble éclairer le débat. Qu’elles en soient remerciées.

« La question de la place de l’égalité professionnelle et de son « intérêt » à être intégrée (voire diluée pour certains) dans la diversité fait l’objet de débats dans le monde académique (Laufer, 2009 ; Sénac, 2011).

Ces débats renvoient notamment à la question des objectifs des politiques d’égalité professionnelle versus ceux des politiques de diversité et aux risques qui pourraient être associés à un recouvrement du genre sous la bannière diversité (dilution, abandon de l’approche intégrée, et valorisation des qualités dites féminines conduisant à renforcer les stéréotypes).

A l’issue de l’analyse des 80 accords diversité, la réponse est claire : l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes n’est pas une composante périphérique des accords diversité, elle en est plutôt la composante centrale, voire unique. L’égalité entre les femmes et les hommes s’inscrit parfaitement dans cette logique d’égalité des chances qui prévaut dans la diversité.

Par contre il n’est pas évident qu’elle gagne à y être intégrée (Laufer, 2009). Les accords diversité ne présentent pas une approche intégrée de l’égalité entre les hommes et les femmes (logique de mainstreaming) mais ils en font un composant à part ; l’égalité entre les femmes et les hommes semble être dans ces accords une diversité comme les autres et, même si elle est mieux outillée que les autres composants, son caractère universel ne transparait pas.

Les accords sont tous construits sur une approche isolée des composants, le sexe en étant une parmi d’autres, sans que la question des effets cumulés de ceux-ci (renvoyant à l’identité plurielle des individus) ne soit posée. Aucun accord n’aborde par exemple la question du cumul des critères qui renvoie à des logiques d’inégalités spécifiques. Ainsi, la question des femmes d’origine étrangère ou des femmes seniors ne peut être traitée dans des accords qui découpent l’identité des individus par dimension, dimension qui ne correspond qu’à une partie de leur identité.

Ceci renvoie à une réflexion plus large, mais qui doit être menée conjointement à celle sur la diversité, sur l’identité des individus et la manière dont doivent être ou non prises en compte leurs multiples dimensions dans le cadre professionnel. »

© DARES – Hélène Garner, Magali Recoules. Document d’études N°182 – Juin 2014 – Égalité, diversité, discrimination : Étude de 80 accords d’entreprise sur la diversité. Extrait de la conclusion page 47

Téléchargeable sur :

travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/Etude_accords_diversite.pdf

20 critères discrimination

Mars, mois pour les femmes ?

La grandissante légitimité du sujet pourrait se mesurer à la multiplication des événements organisés à l’occasion du 8 mars, journée internationale des femmes (*) et (**). Une journée n’y suffit plus. Associations, entreprises, syndicats, partis politiques, clubs et réseaux divers, chacun aborde le sujet sous un angle différent.

Et justement, une publication de l’INSEE nous apprend que la vie associative s’est elle aussi plus féminisée, avec presqu’autant de femmes que d’hommes engagés dans des associations. Voici l’évolution sur 30 ans :

  • 2013 : 44% des hommes et 40% des femmes sont membres d’au moins une association.
  • 1983 : 53% des hommes pour 34% des femmes

Mais les domaines de prédilection restent différenciés :

  • Syndicats et sport pour les hommes, plus présents aussi dans la défense des droits
  • Culture, action sociale pour les femmes, plus présentes dans des activités dites de convivialité

vie associative et femmes

Concernant 42% des français de plus de 16 ans, l’activité associative est le reflet des attributions que l’on trouve ailleurs dans la société :

  • Dans les entreprises : voir notre article du 15 janvier « après le plafond de verre, les parois »
  • Dans le pouvoir politique où malgré les différentes lois sur la parité, les postes exécutifs restent déséquilibrés.

Il reste donc encore à accomplir un double mouvement – vertical et horizontal – pour que les femmes accèdent à plus de pouvoir dans tous les domaines, à hauteur de leur présence dans la population.

 

Voir INSEE Première N°1580 de janvier 2016

http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?ref_id=ip1580#inter2

Graphique extrait de l’article dans les Echos du 12 janvier 2016 www.lesechos.fr/

(*) comme on dit la fête des pères et la fête des mères et non pas la fête du père ou la fête de la mère…

(**) amusant que ce soit le mois de MARS pour ceux qui l’associent plutôt aux hommes…

 

Compléter la notion de performance individuelle par l’évaluation du collectif

Parce qu’elle correspond à mon expérience et mes convictions, j’ai choisi cette 25ème préconisation parmi les 36 du rapport « Transformation numérique et vie au travail »de Bruno Mettling qui vient de paraître :

http://travail-emploi.gouv.fr/actualite-presse,42/breves,2137/remise-du-rapport-mettling,18925.html

Bien d’autres idées sont bien sûr à reprendre dans ce document court, documenté et à la lecture aisée.

L’ayant pratiqué comme collaboratrice et comme manager, je crois en effet à l’efficacité du système – aujourd’hui décrié – de management par les objectifs. A deux conditions indispensables :

  1. d’une part disposer de contre-pouvoirs comme une enquête d’opinion ou un baromètre social à périodicité annuelle et d’un moyen de recours du salarié en cas de difficultés avec son manager direct (par exemple « porte ouverte » chez IBM) ;
  2. d’autre part d’associer aux objectifs individuels des objectifs collectifs, objet de la préconisation citée.

Autrement dit, le management par objectifs est un « système », c’est-à-dire un ensemble dont toutes les parties doivent être utilisées en même temps ; et non pas une mesure spécifique, dangereuse hors de son contexte complet.

numérique

Détail de la préconisation n°25

La mission est convaincue de l’importance de l’évaluation collective compte tenu de la modification des modes de travail et de l’organisation du travail. Il s’agit de donner du sens au travail et de favoriser le travail bien fait.

Afin de permettre la pleine contribution de chaque salarié à travers le plein exercice de ses qualifications et de ses compétences la mise en place de processus d’évaluation du collectif devra s’assurer de : la mise en place d’espaces de discussion pour évaluer le contenu du travail et le niveau de performance du collectif de travail avec le manager, afin de favoriser les recherches de solutions communes aux problèmes rencontrés ; l’élaboration collective des objectifs pour accompagner une discussion sur les incidences prévisibles et les moyens nécessaires ; les évaluations individuelles réalisées devront apprécier l’apport individuel dans ce contexte.

Gagner plus ou aimer son travail ?

30% d’écart de salaires F/H  pour les diplômés 2013 de Sciences Po à la sortie de l’école.

[…] L’enquête jeunes diplômés 2013 révèle que les femmes mettent un peu plus de temps à trouver un premier emploi que les hommes. Mais surtout que l’écart entre la rémunération brute annuelle moyenne des hommes et des femmes est important : 52 569 € pour un homme contre 37 096 € pour une femme […]

On reste un peu sur sa faim pour interpréter ces chiffres.

  • Le nombre de répondants a-t-il une influence ? 267 hommes pour 429 femmes.
  • Comment se fait la répartition de l’ensemble des salaires ? L’écart entre les médianes est en effet moindre : 31 200 € pour les hommes et 27 600 € pour les femmes.
  • L’écart entre les secteurs existe mais n’est pas si important que cela : par exemple ils sont un peu plus dans la Finance (12% H contre 8% F) et elles plus dans la Communication (10% F contre 4% H) mais à égalité dans l’Audit-Conseil (19%) ; qu’en est-il des postes occupés au sein de ces secteurs ?

Mais la question la plus importante à se poser n’est-elle pas celle du choix et de ses motivations sous-jacentes.

Ainsi, il y a quelques années, une comparaison entre chercheuses et chercheurs d’un même organisme de recherche public français avait montré que les femmes choisissaient plutôt des thèmes de recherche pour leur intérêt personnel au sujet, et les hommes prenaient plus souvent en compte la taille du laboratoire, sa réputation, son budget, etc… tous éléments en mesure d’influer sur leur carrière et leur salaire.

Gagner plus ou aimer son travail ?

  • Faut-il demander aux femmes d’être plus nombreuses à aimer l’argent
  • Ou faut-il laisser aux hommes la possibilité de choisir leur travail autrement qu’en « gagne-pain » (bred-winner) obligés de gagner (beaucoup) d’argent ?

enquete Sciences Po 2014 H F

La direction de Sciences Po doit se poser les mêmes questions puisqu’un plan d’action 2015-2017 est évoqué.

[…] Pour comprendre les raisons de cet écart (choix d’orientation et de secteurs professionnels, types de postes envisagés à la sortie du cursus, négociations salariales au moment de l’embauche…), Sciences Po, via le projet Egera notamment, se mobilise pour proposer des solutions efficaces dans le cadre du plan d’action égalité femmes-hommes 2015-2017.

Le Service Carrières a mis en place pour la première fois deux ateliers à destination des jeunes femmes : se préparer à entrer dans le monde professionnel quand on est une femme / négocier son salaire. Cette offre sera enrichie par la suite […]

Cette enquête de Sciences Po est parue en juillet 2015. Une synthèse est disponible dans l’espace Presse sur le site de l’école, relayée par les media dont Les Echos, Le Monde, La Croix, Le Figaro Etudiants.

Absence de mixité = danger ? 3ème partie l’enseignement

Deux sujets font polémique : l’éventuelle dévalorisation du métier d’enseignant et l’impact de l’absence de mixité du corps enseignant.

La parité dans le corps enseignant date des années 60. Depuis, ce ne sont pas uniquement les femmes qui ont massivement choisi ce métier, ce sont aussi les hommes qui l’ont fui.

Pourtant, dire que féminisation = dévalorisation, c’est oublier l’importante croissance du nombre total d’enseignants : quand tous les enfants vont en 6ème au lieu de s’arrêter au niveau du certificat d’études, quand l’obligation scolaire passe de 14 à 16 ans, quand 80% d’une classe d’âge est supposée arriver en Terminale, il faut beaucoup plus de professeurs que quand 2% d’une classe d’âge passe le bac !

Concernant l’impact de l’excessive féminisation du corps enseignant sur la réussite scolaire différenciée des filles et des garçons, je me permets de citer ici un large extrait de l’intervention de Jean-Louis Auduc.

Teacher and student

[…] Les différences d’identification des femmes : métiers « visibles », métiers « invisibles »

Notre société doit s’interroger sur le fait qu’aujourd’hui , entre 2 et 18 ans, les jeunes ne vont rencontrer pour travailler avec eux que des femmes : professeurs ( 80,3% de femmes dans le premier degré ; 57,2% de femmes dans le second degré, BTS et classes prépas inclus), chefs d’établissements, assistantes sociales, infirmières, médecins généralistes, employées de préfecture ou de mairie, voire juges, tous ces métiers sont très majoritairement féminins. Au fond, les seuls métiers masculins de proximité sont les policiers…

On peut penser que les filles se dirigent plus spontanément vers des métiers identifiés pendant la scolarité, visibles pendant le déroulement de celle–ci et qu’elles ont des difficultés à se diriger vers des métiers invisibles. Si l’employée de mairie ou de préfecture est une femme, généralement le secrétaire général de la mairie ou de la préfecture est un homme, mais ceux-là le public ne les voit jamais…

Enseignants, assistants sociales, médecins, infirmières sont des métiers vus pendant la   scolarité auxquels les filles peuvent s’identifier et qui peuvent donner pour y parvenir du sens à leurs études et jouer un rôle important dans leur motivation. Elles construisent donc un cursus scolaire adapté au métier choisi.

A l’inverse, les garçons se projetant peu vers l’avenir ne s’identifient pas à des métiers. Ils ne trouvent pas dans leur environnement de métiers masculins visibles dans lesquels ils peuvent s’identifier. Cette situation peut entraîner un fort décrochage scolaire masculin vers 15/16 ans qui n’existe absolument pas chez les filles.

Les seuls garçons qui « surnagent », en proportion bien moins importante que les filles, sont les garçons qui font le choix d’aller le plus loin possible dans l’école sans se préoccuper d’un métier à priori identifié. Ils « trustent » les écoles qui ne conduisent pas à un métier précis, mais ouvrent des portes. Ils sont en moins grand nombre que les filles, mais ayant franchi la question de la « visibilité » de l’emploi, ils sont prêts à occuper les emplois « invisibles » de cadres ou de « managers ».[…]

Sources

Poignant Raymond. La planification de l’expansion de l’enseignement en France.In: Tiers-Monde. 1960, tome 1 n°1-2. La planification de l’éducation et ses facteurs économiques et sociaux. Colloque international de Paris (9-18 décembre 1959) pp. 208-220. doi : 10.3406/tiers.1960.1199

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_0040-7356_1960_num_1_1_1199

Filles et garçons dans le système éducatif français, une fracture sexuée par Jean-Louis Auduc (ancien directeur IUFM Créteil)

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/pages/130307fillesetgarconssysteducfr.aspx

par fjarraud , le mardi 13 mars 2007.